L’aéroport de Genève (AIG) vit une crise sans précédent, à l’instar de ses concurrents en Europe. Un prêt exceptionnel de 200 millions de francs vient de lui être octroyé par le Conseil d’Etat, alors que 755 millions avaient auparavant été levés par le biais d’emprunts obligataires ces quatre dernières années. Jusqu’à présent, l’aéroport était bénéficiaire, avec un bénéfice net annuel moyen de 73 millions de francs, mais, en 2020, il a perdu 129 millions de francs en raison de la pandémie. L’indépendance financière de l’aéroport est donc clairement amoindrie.

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Réorientation stratégique

Autre ombre qui plane sur ce véritable poumon économique pour toute la Suisse romande: de nombreux services proposés au sein du hub genevois pourraient au fil des ans perdre leur identité locale en faveur d’une délocalisation des centres de décision vers d’autre pays, potentiellement moins sensibles aux priorités romandes de Cointrin. Les services de l’aéroport de Genève seront-ils bientôt gérés en majorité par des fonds d’investissement étrangers? C’est la question que l’on peut se poser au vu des réorientations stratégiques qu’entend prendre Engie.

Le géant français, fruit de la fusion entre Gaz de France et Suez en 2008, est établi sur plus de 30 sites à travers la Suisse avec 1600 collaborateurs. Se présentant comme «l’acteur prépondérant et spécialiste en Suisse des services à l’énergie, de facility management et de la technique du bâtiment», il vient de regrouper sous l’entité Engie Solutions plusieurs de ses acquisitions ou fusions locales: Minerg-Appelsa Services (technique du bâtiment), Priora FM (Facility Management) ou encore Cofely. Aujourd’hui, Engie Solutions est devenu incontournable à Cointrin.

Or le groupe Engie prépare une importante restructuration, voire la vente d’une grande partie de ses services au niveau mondial. Selon les communications du groupe sur les marchés financiers, celui-ci a annoncé vouloir se séparer de près de deux tiers de ses activités de services dans l’espoir de récolter 8 milliards d’euros. De nombreux fonds d’investissement seraient sur les rangs, dont plusieurs américains.

Quid de l’emploi local?

«Les activités d’installation et de maintenance du groupe Engie sont en effet en cours d’intégration dans un nouvel ensemble plus autonome pour former un leader mondial des services multi-techniques. La nouvelle entité formée deviendra à terme autonome par rapport à Engie, mais aucune décision n’est prise à ce stade sur la forme de cette autonomie. Les activités de services aux aéroports pourraient faire partie de ce nouvel ensemble», explique la direction suisse d’Engie.

Une éventualité qui pourrait dès lors impacter les services d’Engie à Cointrin. Face au danger de voir bientôt les services aéroportuaires genevois gérés par un fonds depuis l’étranger ou démantelés, et questionné à ce sujet, le chef du service communication ad interim de l’AIG, Ignace Jeannerat, précise: «Les contrats de Genève Aéroport suite à des appels d’offres de services ont une durée de trois à cinq ans. Si une entreprise change de propriétaire en cours de contrat, dès lors que le repreneur continue d’offrir le service attendu et remplit les conditions liées à une CCT ou à défaut les usages du partenariat social et satisfait à la loi sur le travail, Genève Aéroport respecte la durée contractuelle.»

Mais quid de l’emploi local, sachant que les fonds procèdent souvent à des démantèlements? Le groupe Engie se veut rassurant: «Dans tous les cas, l’aéroport de Genève pourra à la fois continuer à compter sur nos équipes locales et sur leurs compétences démontrées depuis plus de vingt ans tout en bénéficiant du savoir-faire global.» A noter que le groupe Engie vient d’obtenir un nouveau mandat des AIG pour la gestion des appels téléphoniques. Face aux craintes de certains que les collaborateurs ne travaillent depuis des centrales téléphoniques à l’étranger, Ignace Jeannerat se montre catégorique: «Pour le contrat d’appels téléphoniques, il est contractuellement spécifié que le service est assuré par des collaborateurs d’Engie en Suisse.» Affaire à suivre.

 

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Edouard Bolleter