Le private equity se définit comme l’investissement dans des sociétés non présentes sur les marchés boursiers. De très nombreux investisseurs romands sont désormais actifs sur ce segment d’activité qui concerne et vise aussi les PME suisses. Et la tendance est en forte croissance; même les fonds de pension commencent à s’y intéresser de près. A tel point que les gestionnaires de private equity romands sont très demandés pour leur expertise et leurs réseaux.

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Car ce créneau d’investissement est complexe, extrêmement polyvalent et les codes y sont difficiles à définir. Comment trouver, par exemple, les sociétés à acheter dans un marché opaque car privé? Comment ensuite investir dans ces grosses PME et, surtout, quand les revendre et à qui? Enfin, faut-il renforcer les sociétés acquises, les fusionner ou tout simplement les accompagner quelques années?

Trois professionnels aguerris dans le domaine ont accepté de nous donner quelques pistes indicatives sur leurs méthodes.

Novum Capital Partners

Gabriele Gallotti est associé fondateur de ce multi-family office genevois créé en 2018. La société est active sur l’ensemble des classes d’actifs traditionnels et non traditionnels. De par ses activités, Novum Capital Partners est amené à investir dans des entreprises non cotées pour le compte de 14 familles fortunées qu’elle représente et conseille. «Nous travaillons beaucoup par le biais de réseaux personnels et des réseaux de nos clients pour trouver des sociétés intéressantes, avec un vrai potentiel. Depuis que nous sommes devenus davantage visibles, nous recevons aussi beaucoup de propositions de tous genres, mais 99% ne sont pas crédibles. Le réseau LinkedIn est également devenu un outil très puissant dans notre métier», explique-t-il.

Lorsqu’une entreprise est considérée comme intéressante, Novum Capital Partners rencontre la direction et procède à l’analyse du potentiel. Si le dossier passe la rampe, le family office décide alors d’investir un certain pourcentage. «Nous sommes très profilés sur les fintechs. Nous avons, par exemple, investi il y a un an et demi dans la société anglaise Curve, un agrégateur de cartes de crédit qui connaît une croissance surprenante. Sa valeur a déjà plus que doublé depuis notre arrivée et Curve va arriver sur le marché américain en 2021», détaille Gabriele Gallotti.

Autre exemple: Novum est entré il y a un an dans le capital d’Hippocrates, un groupe italien qui a déjà racheté 120 pharmacies. «Le secteur est très fragmenté en Italie, les économies d’échelle y sont importantes. Nous sommes entrés dans le capital lorsque la valorisation du groupe était de 120 millions d’euros. Or Hippocrates vient de recevoir huit offres de reprise à 350 millions d’euros», se réjouit Gabriele Gallotti. Dernier «coup» réussi par Novum: la société a accompagné l’entrée en bourse d’un des trois plus gros fabricants de camping-cars européens, l’allemand Knaus Tabbert. L’un des principaux actionnaires, qui se sépare de Knaus Tabbert, est la société Catalina Capital Partners, détenue par un associé de Novum. Il faut savoir que le groupe Knaus Tabbert était au bord de la faillite il y a douze ans…

Stanhope Capital

Ce grand gérant de fortune indépendant, qui dispose de bureaux à Genève, à Londres et à Paris, travaille avec plus de 10 milliards de francs sous gestion. Depuis quelques années, les dirigeants ont développé une expertise private equity, notamment en raison des demandes de leurs clients. Nicole Curti, la directrice générale en Suisse, nous donne le profil des clients intéressés par le private equity: «Nombre d’entre eux sont d’anciens entrepreneurs qui ont gardé leur fibre entrepreneuriale, et, au-delà des investissements «classiques» (actions, obligations, etc.), ils souhaitent s’impliquer dans les investissements privés; 70% d’entre eux sont issus de la première génération, les autres sont des héritiers qui souhaitent perpétuer les traditions familiales. Le ticket d’entrée minimum chez nous est de 5 à 10 millions, la moyenne des investissements se situant entre 20 et 50 millions.»

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Nicole Curti, directrice général (Suisse) de Stanhope Capital
© Karine Bauzin

Un grand nombre de nos clients sont d’anciens entrepreneurs qui ont gardé la fibre entrepreneuriale.

Stanhope Capital a créé des véhicules d’accès afin que ses clients puissent investir dans les fonds de private equity de renommée, où les minima se situent souvent à 10 ou 15 millions. Avec ces véhicules d’accès, les clients peuvent y accéder dès 250 000 euros. Nicole Curti insiste ensuite sur l’importance d’être présent à l’international. «Les dix dernières années, les Etats-Unis ont par exemple assisté à l’éclosion de nombreuses nouvelles sociétés très performantes qui savent se réinventer. Nous allons investir là où les tendances sont porteuses.»

Et Nicole Curti de donner l’exemple d’une participation de Stanhope Capital qui a été largement médiatisée. La société de gestion avait investi dès les débuts de S4 Capital, une société active dans le marketing digital et reprise par le fameux publicitaire britannique Martin Sorrell. Celui-ci a pris le contrôle de géants comme MightyHive, MediaMonks ou Firewood, pour n’en nommer que quelques-uns, avant d’entrer en bourse. Le placement de Stanhope Capital a rapporté quatre fois sa mise à ses clients.

ACE & Company

Le groupe genevois est un acteur emblématique du private equity en Suisse romande depuis quinze ans. Il bénéficie notamment de structures comme l’EPFL, Swisslab, Patrimonium ou encore VI Partners pour dénicher les bons filons. ACE & Company privilégie les co-investissements en travaillant avec les spécialistes dans leurs domaines. «La qualité du placement est notre priorité, elle passe avant la recherche du profit», insiste Adam Said, CEO et cofondateur.

«Lorsque nous sentons qu’une société a atteint son maximum de capacité, nous sortons du capital. Cinq à 15% de notre portefeuille est cédé en moyenne par année. Mais la question prioritaire est de savoir où cet argent va ensuite être réinvesti pour être bien placé. Nos cinq bureaux dans le monde nous permettent de comparer les potentiels des sociétés au niveau international. C’est un avantage en information important pour nos analyses», décrit-il en ce qui concerne le processus de sortie des investissements.

Selon lui, la diversification est ainsi primordiale afin d’éviter tout risque de concentration. ACE & Company, qui propose trois vecteurs d’investissement, a enregistré plusieurs gros succès dans son portefeuille (plus de 1,1 milliard de francs investi à ce jour avec 170 positions, dont 30 par le biais de mandats discrétionnaires) ces dernières années en Suisse. On peut citer, au niveau local, Batmaid, Sophia Genetics ou GenLots, par exemple.

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Edouard Bolleter