De la multitude de formes organisationnelles que peut prendre une institution de prévoyance, trois principales s’offrent aux entreprises qui doivent affilier leurs employés à la prévoyance professionnelle. La plus simple est la fondation autonome. Elle regroupe tous les employés de l’entreprise et rien que ceux-ci. Formellement indépendante, elle est en fait un prolongement de l’entreprise. La plus sûre est l’affiliation à une assurance complète: l’institution d’entreprise confie l’entier du dossier à un assureur, qui se charge de toutes les tâches et des risques. Et les institutions collectives, qui regroupent les caisses qui le souhaitent et en mutualisent les risques.

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«Le choix de l’une ou l’autre formule dépend principalement du risque que les affiliés à l’institution de prévoyance sont d’accord de prendre», résume André Tapernoux, membre du comité de la Chambre suisse des experts en caisses de pension, à Frauenfeld.

La caisse autonome permet la meilleure flexibilité en termes de gestion. Mais elle contraint l’entreprise, ses salariés et ses retraités à assumer seuls les conséquences des éventuels déséquilibres financiers résultant d’une gestion inadaptée ou d’exercices difficiles. A l’inverse, la formule de l’assurance complète couvre intégralement le risque, libérant l’entreprise et ses salariés de toute mauvaise surprise de ce côté-là. En revanche, elle prive la caisse de sa marge de manœuvre en matière de gestion. De plus, les performances financières sont généralement moins bonnes que pour une caisse autonome: les compagnies d’assurances doivent faire preuve d’une prudence accrue dans leurs investissements, ce qui limite le potentiel de plus-value, et donc de gains pour les institutions qu’elles assurent.

L’institution collective, en revanche, se trouve à mi-chemin entre les deux. La mutualisation des risques qui fonde son existence limite les risques pour chaque entreprise qui lui confie ses cotisants et rentiers. Le fait qu’elle n’est pas une assurance lui autorise une marge de manœuvre en matière de politique des placements plus large que celle des assurances, ce qui lui permet de prendre davantage de risques en matière de placements. Des possibilités qui s’élargissent si la caisse est importante, une condition réalisée si elle regroupe un nombre important d’entreprises. Les principales caisses collectives sont généralement gérées par des organisations patronales (FIP, CIEPP) et par des compagnies d’assurances (Swisscanto). Le nombre de leurs affiliés, plusieurs dizaines de milliers, égale celui des plus grandes caisses de pension du pays, telles celles des grands groupes de distribution, de l’administration ou de quelques multinationales.

Quelles questions doit-on se poser avant d’opter pour une formule ou pour une autre? «Si l’entreprise est en pleine croissance, elle pourra se permettre de prendre plus de risques que si elle est en déclin», résume Olivier Dumont, responsable du service actuariat aux Retraites Populaires, à Lausanne. Pour une raison simple: une entreprise qui voit ses effectifs croître peut se permettre d’être moins préoccupée par la garantie du financement des rentes à verser qu’une entreprise dont le nombre d’actifs diminue, au contraire du nombre de retraités.

En revanche, une entreprise aux effectifs jeunes devra être plus attentive aux risques d’invalidité de ses affiliés – qui peuvent coûter très cher –, au contraire d’une entreprise aux effectifs plus âgés (en dessus de 45 à 50 ans, disent les experts), dont la préoccupation principale portera davantage sur la consolidation des avoirs de retraite, et donc du taux de conversion.

Examiner les indicateurs

«Avant de franchir le pas, une entreprise doit très sérieusement examiner quelques indicateurs», expose Sébastien Cottreau, gérant de plusieurs institutions de prévoyance au Centre Patronal, à Paudex. En premier lieu, la pérennité de la caisse qu’elle entend rejoindre, c’est-à-dire l’état des réserves financières par rapport à l’équilibre entre les actifs et les retraités. Puis le montant des provisions pour couvrir les risques, une caisse qui ne dispose que d’une couverture minimale étant à éviter. Enfin, avoir la garantie que la caisse s’assure des rentrées financières suffisantes pour couvrir ses engagements. Or «plusieurs caisses recourent à des tarifs de dumping pour attirer de nouvelles entreprises. Elles permettent des économies à court terme à leurs cotisants, mais leur réservent de mauvaises surprises sur le long terme», rappelle le gérant.

Il y a néanmoins une limite sur laquelle les experts s’accordent: celle du nombre d’affiliés minimal pour constituer une institution de prévoyance viable. Cette limite se situe entre 250 et 300 personnes. Une caisse autonome comptant moins d’assurés est confrontée à des coûts disproportionnés par rapport aux cotisations qu’elle prélève et aux rentes qu’elle est en mesure d’assumer. Ainsi, la modestie de la taille ne lui permet pas de bénéficier des rabais que les banques, les assurances et autres prestataires de services financiers peuvent accorder à leurs gros clients.

«Evidemment, si la caisse sert une entreprise active dans ce secteur, elle peut rester autonome même avec un petit nombre d’employés, car elle dispose des compétences pour se gérer elle-même», relève néanmoins Jérôme Cosandey, directeur romand d’Avenir Suisse, à Lausanne, et spécialiste des questions de prévoyance.

Le patron est d’autant plus appelé à faire le bon choix qu’une caisse de prévoyance n’est pas qu’une source de préoccupation supplémentaire. Elle va aussi conditionner son propre régime de retraite: par la loi, il est obligé de s’affilier à la même institution que ses employés. Si elle est trop prudente ou, au contraire, trop généreuse au point de nécessiter des mesures d’assainissement, il en subira personnellement les conséquences, comme chacun de ses salariés.

 

YG
Yves Genier