Les différences de rémunération entre hommes et femmes seraient moins fortes qu’estimées jusqu’ici par l’Office fédéral de la statistique (OFS). C’est ce qui ressort de deux analyses réalisées à partir des données salariales de près de 270 000 employés suisses. Ces études font suite à l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions relatives à la loi sur l’égalité salariale, qui exigent des entreprises de plus de 100 salariés de vérifier les possibles discriminations à l’aide du système d’analyse Logib, mis à disposition par la Confédération. Environ 5000 sociétés sont concernées par ce changement législatif.

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La majorité des entreprises présentent des résultats «bons à très bons», dit ainsi une étude menée par le Centre de compétence de la diversité et de l’inclusion (CCDI) de l’Université de Saint-Gall auprès d’une centaine de sociétés (120 000 collaborateurs concernés). Près de 97% des entreprises analysées respectent la loi fédérale sur l’égalité, selon le CCDI, qui délivre la certification We Pay Fair. Une entreprise est estimée équitable si la différence salariale se situe dans un seuil de tolérance de 5%.

C’est un résultat similaire qui ressort de l’analyse réalisée par l’entreprise argovienne Comp-On à partir des données de 193 sociétés suisses, qu’elle a accompagnées entre juillet 2019 et juillet 2021 pour obtenir le label Fair-ON-Pay. La majorité d’entre elles (59%) comptent entre 100 et 500 employés, tandis que la part des entreprises de moins de 100 collaborateurs est de 6% (pour un total de 154 500 employés étudiés). Il en ressort que l’égalité salariale n’est pas respectée dans moins de 5% des entreprises. Aussi, la différence salariale inexpliquée représente en moyenne -3,6% en défaveur des femmes.

L'électrochoc de la loi

«Le principal enseignement, c’est que la loi a fait l’effet d’un électrochoc, estime Marc Pieren, cofondateur de Comp-On. Nous avons collaboré avec plus de 190 entreprises ces dix-huit derniers mois, alors que nous avions enregistré moins d’une vingtaine de demandes au cours des sept années précédentes. Cela dit, tout n’est pas rose: 90% des écarts constatés sont en défaveur des femmes et 25% des entreprises présentent des résultats limites.»

Reste que les deux analyses récentes réalisées à partir des données Logib pointent d’importantes différences avec la dernière «Enquête suisse sur la structure des salaires» de l’OFS. Cette publication indique que la différence salariale brute entre les femmes et les hommes est de -19%, tandis que «l’écart salarial inexpliqué avec une possibilité de discrimination» est de -8,1% (chiffre qui prend en compte des facteurs objectifs personnels et structurels).

Le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) salue la volonté des entreprises de se montrer transparentes, mais souligne que les résultats de Comp-On et du CCDI ne sont pas représentatifs du marché du travail suisse. «Les enquêtes de l’OFS, qui se basent sur les résultats de 36 000 entreprises et plus de 2 millions de salariés, offrent des indicateurs représentatifs de toutes les activités économiques en Suisse, explique Sina Liechti, chargée de communication du BFEG. Ces deux approches ne peuvent donc pas être directement comparées. A cela s’ajoute le fait que l’OFS n’analyse pas la pyramide des salaires internes à une entreprise donnée, mais rend compte des niveaux et des structures salariales au sein de l’économie dans son ensemble.»

Indispensable analyse de la grille des salaires

Un avis partagé par Marc Pieren de Comp-On. «Les chiffres de l’OFS et les résultats de Fair-ON-Pay doivent être pris de manière complémentaire. Une différence salariale nette aussi importante s’explique notamment par le fait que l’analyse des données d’une entreprise est effectuée de manière plus fine, en consultation avec les RH.» Le BFEG pointe par ailleurs que la dernière analyse de l’OFS montre que la part inexpliquée de l’écart salarial est plus élevée que la moyenne au sein des entreprises de moins de 100 collaborateurs, qui ne sont pas concernées par la loi.

Les PME ont-elles aussi à gagner d’une analyse de leurs grilles de salaire? «Oui, estime Franciska Krings, directrice du Département de comportement organisationnel à l’Université de Lausanne. La structure des salaires, particulièrement au sein des petites entreprises, évolue souvent sans réflexion au fil du temps. Effectuer un tel travail d’analyse peut faire émerger des possibilités d’optimisations inédites. Bien sûr, cela représente souvent des efforts très importants pour des petites structures, que les autorités publiques auraient donc tout intérêt à soutenir dans cette démarche.»

D’autant que l’égalité salariale compte toujours plus dans la «marque employeur». «Nous constatons que les jeunes candidats se montrent de plus en plus sensibles à cette thématique, note Marc Pieren. Se positionner sur cette question contribue aujourd’hui à renforcer l’attractivité d’une entreprise.» Les experts interrogés s’accordent sur le fait que les études récentes offrent l’intérêt de pousser les débats en matière de choix de carrière, de formation continue, de promotion professionnelle et de taux d’activité.