«Le dirigeant RH ne doit plus subir mais piloter», tel est en substance le message de Christian Oberson, président de HR Genève lors du Prix RH numérique qui s’est tenu en novembre dernier. Le ton est donné. Une dizaine d’experts en ressources humaines, de grandes entreprises et de PME, ont expliqué ce que la crise covid a changé dans leur travail et quels sont les modèles qui pourraient durablement s’installer une fois les mesures sanitaires complètement levées. Communication, espaces de bureau, recrutement et création des liens, tout est redessiné.

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Alors, est-ce la fin d’une ère pour les ressources humaines? «On observe un cumul de la transformation organisationnelle et de la transformation digitale», note Olivier Desponds, DRH du siège romand de La Mobilière, à Nyon, soit 500 collaborateurs qui étaient rodés au télétravail avant la pandémie déjà.

«Souvent, les RH étaient considérés comme un centre de coûts et un mal nécessaire. Aujourd’hui, ils sont devenus des pièces maîtresses de l’entreprise. On les écoute. La crise sanitaire a généré une vague de fond énorme dans la branche, avec un besoin accru en communication au sein même des entreprises, relève Ivan Brustlein, CEO de Swibeco, société en relation directe avec les RH de plusieurs dizaines d’entreprises en Suisse. «La pandémie a permis aux organisations de se poser les bonnes questions et surtout de les rendre visibles en dehors du cercle des départements des ressources humaines, ajoute Pamela Do Carmo, DRH d’ELSA-Mifroma, à Estavayer (FR). PME a interrogé plusieurs spécialistes quant aux mutations du monde du travail à venir.

1. Le travail hybride, la nouvelle normalité?

Sans surprise, le travail hybride sera la nouvelle normalité. Quels en sont les avantages et les risques? Selon les statistiques publiées par le magazine Forbes fin 2021, 97% des dirigeants acceptent qu’au moins certains employés travaillent en mode hybride sur le long terme. Un chiffre qui n’était que de 30% avant le covid.

Parmi les avantages relevés par tous: la motivation, le bien-être des employés, l’aide au recrutement et la compétitivité. A l’inverse, on citera comme désavantages: la sécurité des données, l’isolement et «l’exadéluge». De quoi s’agit-il? C’est le temps passé sur les e-mails qui, selon certaines estimations, a doublé en un an, avec 45% de messages en plus depuis vingt-quatre mois!

La mise en place de ce modèle hybride de manière durable pose toutefois problème dans 15% des cas, constate une étude française de l’Association nationale des DRH auprès de 4000 RH. Qui est éligible et à quelles conditions? Pour fixer un cadre clair, Swisscom a publié une charte en octobre dernier. «Elle mentionne notamment que nous ne sommes pas une entreprise «remote», résume Frédéric Bracher, COO RH. Un jour minimum au bureau est requis et, dans tous les cas, le responsable décide qui peut télétravailler.»

A noter que plusieurs études relèvent que le télétravail à long terme risque d’entraîner la délocalisation de certains services dans des pays à bas coût en matière de main-d’œuvre, notamment pour les comptables, les gestionnaires de données et une partie des cols blancs. Un risque qui n’est toutefois pas validé par notre panel d’experts interrogés.

2. L’innovation, grande perdante du télétravail?

Les analyses de Microsoft Research relèvent un autre risque du travail à distance et de la communication asynchrone sur le long terme: le recul de l’innovation. Tous les liens informels qui ont lieu en présentiel, avec d’autres services, n’existent tout simplement plus. Ils sont pourtant souvent à l’origine de la disruption, notamment parce qu’ils apportent un autre regard que celui de ses pairs. «La sérendipité, ou l’innovation par accident, est plus faible que jamais, car les gens ne se croisent plus dans les bureaux», confirme Luc Bretones, CEO de NextGen et chercheur en innovation managériale à l’ESSEC à Paris, lors du NextGen Enterprise Summit.

La Suisse n’a pourtant jamais déposé autant de brevets qu’en cette période de pandémie. Le pays pourrait cependant souffrir du ralentissement de l’innovation dans quelques années, un danger relevé il y a peu par Claudine Amstein, directrice de la CVCI.

«Avec la distance, on perd la vision sur la santé des employés. Demander si tout va bien derrière un écran de suffit pas.

Olivier Desponds, DRH, La Mobilière

A La Mobilière, on s’interroge également. «Nous n’avons pas le recul nécessaire pour évaluer l’impact du télétravail sur l’innovation. Cependant, à titre personnel, je pense que ne pas pouvoir débattre en présentiel réduit la faculté d’innover. Les échanges informels ne se font plus. Il s’agit de tous ces moments où on entend un collègue échanger sur un cas. Ces informations sont pourtant utiles», observe Olivier Desponds. Une question d’autant plus présente que les équipes ont pris goût au home office. «On a eu de la peine à faire revenir certains collaborateurs au bureau, note-t-il. Notre CEO, Michèle Rodoni, a alors envoyé un message vidéo à tous pour encourager le retour partiel sur site.»

3. L’amplification des risques psychosociaux

Travail.Suisse le souligne: le stress au travail et l’épuisement sont en augmentation (+44,1%), le pire taux enregistré depuis 2015. Un problème qui touche également les entreprises dites libérées. «La hausse de productivité généralisée n’est pas durable, avertit Luc Bretones. Nous sommes certes capables de faire plus de séances en une journée grâce aux visioconférences, mais on ne s’accorde plus de pause.» Outre le burn-out, on parle désormais de «blah-out», ou perte d’élan, qui gagne du terrain.

«Je suis plus en souci pour les moins de 30 ans que pour les 50 et plus, s’inquiète Frédéric Bracher. Les jeunes collaborateurs sont une population avec des risques psychologiques importants en Suisse. Tous les derniers chiffres le disent.» Une formation aux premiers secours psychologiques a d’ailleurs été proposée chez Swisscom (lire encadré ci-dessus). Une démarche similaire existe du côté d’ELSA. «Nous avons mis en place des formations portant sur la résilience et demandé aux managers d’être encore plus à l’écoute», relève Pamela Do Carmo. Cependant, le manager ou le RH seul ne peuvent pas tout. Plusieurs chartes d’entreprise parlent de «coresponsabilité pour la promotion et le respect de la protection de la santé».

«Avec la distance, on perd la vision sur la santé des collaborateurs, observe Olivier Desponds. Même si on demande si tout va bien derrière un écran, ce n’est pas suffisant. On a, par exemple, obligé les gens à prendre des vacances. Il est important de se déconnecter du travail. Je vois une tendance à envoyer des e-mails le samedi ou le dimanche. Ces indicateurs sont à suivre.» Autre préoccupation: le manque d’effort physique. Plus de 70% des Suisses ont pris du poids depuis le début de la pandémie; jusqu’à une moyenne de 7 kilos pour les 45-64 ans, estime la Suva. La consommation d’alcool, notamment en télétravail, est aussi mentionnée par plusieurs dirigeants RH. Certains employeurs financent dès lors des stages de remise en forme.

4. Les millennials redéfinissent les codes

Pour attirer et retenir les jeunes talents, les employeurs doivent s’adapter. La flexibilité dont on parle depuis dix ans est devenue non négociable, en particulier pour eux. Et le travail hybride ne s’arrête pas à la maison. Les coworkings thématiques, les co-livings, ou camps de base, à savoir des collocations de collègues dans un espace inspirant, ont la cote. En témoignent des sociétés comme Enigma (lire encadré) ou QoQa, passées en mode holacratie l’automne dernier.

Le géant américain Google a mis en place  de nouveaux concepts d’espaces de travail, comme des «campfires» où les employés en home office, sur grand écran, peuvent communiquer plus facilement avec ceux en présentiel. 

L’envie d’avoir un impact positif sur la société est aussi très présente chez les millennials. Ils préféreront aussi une entreprise pour sa structure organisationnelle, davantage que pour ce qu’elle produit. C’est pourquoi une partie d’entre eux vont se tourner vers des entreprises responsables ou osant casser les codes traditionnels. Autre caractéristique des plus jeunes: ils souhaitent devenir contributeurs et coordinateurs plutôt qu’un manager qui perd peu à peu la réalité du terrain. «Le défi est de proposer des modèles coconstruits plutôt que d’imposer, de partager les responsabilités et de répondre à un fort besoin de transparence et d’impact», résume Luc Bretones.

Une autre requête, nouvelle notamment pour les hommes: travailler à temps partiel pour s’occuper de leurs enfants ou se consacrer à une activité annexe. L’OFS relève 5,4% d’heures de travail en moins pour les hommes. Et pour ne rien arranger auprès des RH, cette génération Y n’a pas peur de parler d’argent et demande facilement des augmentations, témoignent plusieurs RH. Ainsi, Rolex a augmenté la part patronale versée au 2e pilier des employés de moins de 30 ans afin de les motiver à rester au sein de l’entreprise.

5. La cohésion de groupe se réinvente

Le besoin de resserrer les liens est là. «Nous avions depuis longtemps instauré le «clean-desk», même pour la CEO, remarque Olivier Desponds. A présent, nous métamorphosons nos sites pour en faire des espaces de rencontre et stimuler le travail d’équipe.» Chez ELSA, on a installé récemment des tapis de marche et des espaces de détente.

Verra-t-on apparaître des «team pods» à la Google? Certains le pensent. «C’est la rencontre d’Ikea et de Lego, image le New York Times. Chaque pod est une toile vierge avec des chaises, les bureaux, les tableaux blancs et les unités de stockage sur roulettes. On peut les organiser à sa convenance.» De là naissent des «campfires», ou feux de camp, en guise de salles de réunion post-covid.

«La sérendipité, ou l'innovation par accident, est plus faible que jamais, car les gens ne se croient plus dans les bureaux.»

Luc Bretones, CEO, NextGen

La réflexion sur le réaménagement des bureaux est massive. Selon les chiffres suisses de CBRE, société de conseil en immobilier d’entreprise, on assiste à une baisse de 5 à 10% des locations d’espaces de bureaux. Bon nombre de sociétés, petites ou grandes, ont annulé leurs baux ou réduit leur espace de travail. A l’inverse, la demande pour des coworkings et espaces collaboratifs est en hausse, y compris pour des salariés. Pour favoriser le rapprochement, Helsana, Sanitas ou encore Swisscom ont instauré le tutoiement dès l’entretien d’embauche. «Cela fonctionne mieux en Suisse alémanique qu’en Suisse romande», note Frédéric Bracher. Enfin, les interfaces ludiques pour connecter les collaborateurs à distance se multiplient (lire encadré).

6. L’intelligence émotionnelle, remède anti-crise?

«Certaines entreprises ont appris l’importance de l’intelligence émotionnelle au cours des vingt-quatre derniers mois, alors que les employés étaient à distance. Celle-ci est devenue un critère essentiel pour opérer efficacement en distanciel», observe Stéphane Haefliger, auteur de DRH et manager, levez-vous!

Parmi les outils pour alimenter l’intelligence collective, le brainstorming inversé ou le «world café». Avec le premier, on posera par exemple la question: «Que faire pour ne plus engager?» Les réponses induiront des pistes intéressantes. Avec le second, on stimule l’échange ludique en petits groupes avec des jeux, où chacun se voit attribuer un rôle, un moyen né en Californie pour amplifier les propositions du groupe.

On l’a compris, pour durer, il faut être agile et les RH doivent promouvoir cette agilité. Pas facile lorsqu’une entreprise est plutôt conservatrice. C’est pourtant le défi qu’ont relevé les TL. Vainqueur du Prix RH numérique, l’équipe des Transports lausannois a fondé La Ruche, une plateforme d’innovation de la mobilité basée sur l’intelligence collective et la cocréation. «Nous avons par exemple complètement réinventé le processus de recrutement, explique Caroline Deruffe-Moulet, spécialiste en évaluation des compétences. Nous avons demandé des candidatures vidéo, fait appel à des comédiens lors des entretiens et proposé des défis ou des questions loufoques. L’idée était de déceler les candidats innovants et capables d’intelligence collective.»

7. Bientôt l’ère des robots RH?

Tri des candidatures par un algorithme, «data mining», ou fouille des données, entretiens différés (visio-talent) sont employés par certaines grosses structures sans pour autant susciter un enthousiasme débordant. Le «sourcing» de talents rencontre plus de succès, notamment parce que les profils «pénuriques» (néologisme des recruteurs pour parler des profils rares) n’ont jamais été aussi recherchés. «La pandémie a cristallisé les compétences obsolètes. Cela ne suffit plus de bien faire son travail. Il faut être capable de voir d’une autre manière et d’aller sur des marchés différents», estiment plusieurs recruteurs. Pour trouver la perle rare, une PME a testé le recrutement immersif (lire encadré).

L’intelligence artificielle (IA) occupe donc le terrain RH et pas seulement pour la gestion administrative, même si le phénomène reste encore timide en Suisse. «Chez Unilever, les recrutements sont entièrement robotisés, notamment pour les profils jeunes», relève Stéphane Haefliger. Marché également en croissance, les apps pour se sentir mieux en cas de troubles psychiques liés au travail ou à la grossesse (Weobot ou Feelbetter).

«La pandémie a permis aux organisations de se poser les bonnes questions et surtout de les rendre visibles en dehors du cercle des RH.»

Pamela Do Carmo, DRH, ELSA-Mifroma

Sarah Henry, responsable de la transformation RH chez Oracle, signalait fin 2021 dans le quotidien Le Temps l’utilité des assistants digitaux pour le conseil en plan de carrière. «82% des employés pensent que les robots sont plus à même de soutenir leur carrière que les humains. Et trois quarts d’entre eux adopteraient des changements de vie basés sur les recommandations de l’intelligence artificielle, assure-t-elle. L’utilisation de l’IA tend à créer davantage de confiance, car il n’y a pas de subjectivité ni de jugement dans cette relation anonyme.» A noter toutefois que la production du robot humanoïde Pepper, qui avait suscité beaucoup d’intérêt dans les entreprises, a été stoppée en juin 2021.

8. Humaniser et numériser les RH

Les pistes RH pour cette année 2022? Elles sont multiples, mais certaines abordent des réalités quasi taboues: la hausse des démissions et les profils fragiles. Une augmentation du turnover est attendue en 2022, en Suisse aussi. Aux Etats-Unis, plus de 4,3 millions de personnes ont démissionné en août 2021, selon le Département du travail américain. Un phénomène appelé «The Great Resignation», qui a commencé à la fin de l’été 2020. Les outils d’«off-boarding» voient le jour. «Le projet CIAO facilite la démission du collaborateur qui, en quelques clics, peut écrire électroniquement sa lettre de départ, connaître les délais et son solde de vacances, explique Frédéric Bracher. Il peut en outre donner les raisons de sa démission, une information utile pour les RH.» Avec 16 000 collaborateurs et 100 départs mensuels chez Swisscom, cette solution prend tout son sens.

Autre chemin à explorer: ouvrir ses portes à la diversité et aux profils plus fragiles. La pandémie a un impact sur le mental et la formation de la population. Les entreprises doivent se préparer à intégrer des personnalités entaillées par la vie. Serbeco a déjà fait ce pari. «L’avenir des RH, c’est aussi de savoir évoluer avec ces profils de collaborateurs. Nous engageons des prisonniers en fin de peine, des migrants, des chômeurs, des plus de 50 ans. L’accompagnement social est une stratégie, souligne la DRH Yesica Da Costa. Lors des engagements, nous avertissons les candidats qu’ils vont travailler avec ces gens. Au début, cela surprend, puis, très rapidement, génère de la fierté et de la motivation.»


Former les équipes aux premiers secours psychologiques

«Il faut lutter contre certains tabous, souligne Frédéric Bracher, COO RH de Swisscom. Parler sans crainte des risques psychiques en entreprise, mettre un nom sur les choses est devenu essentiel. Avoir une hotline ou un service dédié, ainsi que partager en interne sur ces problématiques grâce à des articles de prévention, est une bonne chose. Mais ce n’est plus suffisant.»

Swisscom propose ainsi de former les collaborateurs qui le souhaitent aux premiers secours en santé psychologique grâce au programme ENSA Swiss, premiers secours en santé mentale. «Nous avons eu 400 inscriptions d’emblée. L’engouement a été énorme. L’idée est qu’un collaborateur peut repérer des signes de souffrance psychologique chez un collègue. Il peut l’écouter activement et si besoin faire en sorte qu’il s’adresse à un professionnel.»

Selon ENSA Swiss, neuf personnes sur dix connaissent une personne concernée par des difficultés psychiques qu’elles aimeraient aider. Ces formations touchent tant au mal-être qu’aux envies suicidaires et s’adressent tout aussi bien aux cadres, aux employés qu’aux plus jeunes.


Echanger son salarié, c’est possible

On parle déjà du «Tinder des PME». La plateforme de prêt de collaborateurs développée par Hub Factory à Neuchâtel a séduit 150 entreprises dans l’Arc jurassien depuis 2019. L’idée est de pouvoir compter rapidement sur une force de travail compétente, même si celle-ci vient d’une autre société de la région. Les industries de l’horlogerie, des machines-outils ou du médical ont été les premières à tester ce concept agile de recrutement temporaire. Ces secteurs doivent jongler avec des carnets de commandes volatiles et une pression accrue sur la livraison en raison de la pandémie et de la pénurie de certains matériaux.

Concrètement, l’interface Human Hub gère les questions contractuelles. Le salarié est payé normalement par son employeur, qui est remboursé au prix comptant par l’entreprise hôte. Le calcul des heures et des assurances est établi par le logiciel. «Le collaborateur est tenu à la confidentialité, mais il profite de voir d’autres manières de faire et un environnement de travail différent. C’est souvent une source de motivation», relève Ismaël Gensollen, cofondateur de Hub Factory.

Cette solution, qui gère les aspects administratifs des échanges, est également utilisée pour les prêts intra-entreprises, notamment dans les grands groupes actifs sur plusieurs sites. «C’est une démarche de mutualisation des ressources humaines. Ces transferts sont souvent compliqués à comptabiliser. Une app et un cadre sécurisé existent désormais pour ça», résume le Neuchâtelois.


Le recrutement immersif, c’est quoi?

«Nous voulions une procédure de recrutement qui mette en valeur le savoir-être et le savoir-agir en plus du savoir-faire», explique François Farquet, directeur des ressources humaines chez Uditis. Raison pour laquelle il a confié le mandat à la Team Academy de la HES-SO de Sierre. Dans le cadre du programme «24h client», les étudiants ont imaginé une journée immersive dans le bureau d’Uditis. Les candidats présélectionnés ont dû collaborer lors d’ateliers déconcertants et très loin de leurs habitudes professionnelles. Ils ont dû par exemple construire une tour avec les éléments qui les entouraient, classer des objets par ordre d’importance, mener un débat contradictoire, exprimer leur ressenti par rapport à une citation…

«Ces situations permettent d’évaluer l’esprit d’équipe d’un candidat, sa manière de communiquer avec les autres, de les convaincre ou d’agir sans les consulter. Sa créativité et sa bienveillance ressortent également de ce type d’exercices qui visent précisément à sortir la personne de sa zone de confort», explique Luca Sorce, étudiant du groupe de travail.

L’analyse des données récoltées à la suite de ce recrutement immersif a été faite sans algorithmes, mais à l’aide d’une grille d’évaluation prédéfinie. Une méthode qui a permis d’engager deux talents. A noter que l’âge n’a pas joué de rôle sur la réussite de l’exercice et que tous les candidats se disaient stressés le matin et détendus l’après-midi, selon leurs retours. Luca Sorce souhaite désormais ouvrir à d’autres entreprises ce service baptisé BluespecT.


Swibeco, le QoQa des PME

  • L’idée? Les entreprises cherchent des solutions pour recréer du lien et rendre les collaborateurs heureux. «Le digital doit être un vecteur pour amener plus de contacts humains entre les salariés. Notre plateforme Swibeco offre des avantages financiers aux employés qui peuvent aller faire leurs courses et pourquoi pas partir en week-end à des tarifs préférentiels», explique Ivan Brustlein, CEO de Swibeco, une solution de centralisation des bénéfices flexibles pour les collaborateurs et exempts d’impôts. Elle a été développée entre Zurich et Lausanne.
  • Le principe? Offrir à ses employés des rabais cumulables auprès de plus de 150 grandes enseignes de Suisse ou des «lunch cards», à savoir une carte de crédit entreprise avec un montant défiscalisé. L’app Swibeco pourrait être comparée à un QoQa des entreprises. «QoQa est le champion des gros rabais sur une courte durée et Swibeco est le champion des petits rabais cumulables permanents», s’amuse le CEO. Actuellement, 79% des salariés utilisent la plateforme une à trois fois par mois pour un panier moyen de 400 francs. Swibeco comptait 50 sociétés clientes avant la pandémie et 2500 vingt mois plus tard.

Télétravail et vaccination: que dit la loi?

Si le télétravail n’est plus obligatoire, il devrait perdurer dans certaines entreprises et pose de nombreuses questions juridiques. Réponses avec Norma Luzio, experte en droit du travail et fondatrice de Legalista.

Norma Luzio, experte en droit du travail et fondatrice de Legalista.

© Zuzanna Adamczewska-Bolle

Peut-on obliger un employé à travailler à 100% au bureau ou à la maison?
Oui, absolument. En Suisse, hors pandémie, le télétravail n’est pas un droit qui peut être exigé par l’employé. L’employeur peut donc demander de télétravailler ou exiger le retour sur site d’un salarié, dans les plus brefs délais.

Qu’est-il conseillé d’inscrire dans l’avenant au contrat de travail concernant le télétravail?
L’avenant au contrat de travail n’est pas obligatoire, mais vivement conseillé. On y intégrera la période d’essai et les activités concernées par le télétravail. On fixera également le nombre de jours et les horaires, en précisant quand l’employé doit être joignable (de 8h à 17h par exemple). La question des heures supplémentaires et le rappel des règles sur les temps de pause et de repos peuvent y figurer. A signaler également la participation ou non aux frais liés au travail à distance.

A ce propos, qu’en est-il des frais liés au travail à distance?
Hors confinement, le télétravail est considéré comme une faveur faite au collaborateur. Les frais fixes habituels ne sont donc pas remboursés (électricité, internet, chauffage, part du loyer). Rare exception: les frais supplémentaires nécessaires à l’exécution de son travail, tels que les frais téléphoniques. A noter qu’un arrêt du Tribunal fédéral mentionne le remboursement de certains frais fixes si l’employé n’a pas de place de travail convenable. Cela ne s’applique pas dans le cas des bureaux flexibles qui ne sont plus attitrés.

Quid du lieu de l’activité télétravaillée?
L’employeur doit s’assurer que son collaborateur travaille dans un cadre adéquat. Pour cela, et avec l’accord de l’employé, il peut théoriquement venir vérifier les conditions de travail chez son employé ou à l’endroit où il télétravaille. Il lui rappellera que les principes de confidentialité et de protection des données s’appliquent également sur le lieu télétravaillé.

Si le salarié travaille depuis l’étranger, la question de l’assurance accident est engagée. Qu’en est-il?
Si l’employeur basé en Suisse autorise le télétravail à l’étranger, il devrait garantir la couverture prévue contractuellement en cas d’accident. Il devra cependant vérifier sa couverture accident afin d’éviter les surprises.

Un détail qui n’en est pas un: le télétravail des frontaliers.
Hors pandémie, il est recommandé de ne pas accorder plus d’un jour de télétravail par semaine à un frontalier. En effet, dès que le taux d’activité télétravaillée atteint 25%, celui-ci est soumis aux assurances sociales dans son pays de résidence. Ces démarches sont compliquées pour l’employeur. Un assouplissement a toutefois été prévu pendant la pandémie.

La vaccination a exacerbé les tensions en entreprise. Quelles sont les limites légales?
Certaines entreprises ont établi un régime différencié pour les employés vaccinés et ceux non vaccinés, afin de prendre certaines mesures de protection. Ce n’est pas illégal. A l’inverse, imposer le port d’un badge «vacciné» aux salariés vaccinés est abusif. De même, licencier celui qui refuse de se faire vacciner l’est aussi à mon sens, même si des pays comme la France et l’Italie ont franchi ce cap, dans certains secteurs d’activité. Le cadre juridique suisse peut évoluer rapidement sur cette question.

Vous êtes également «personne de confiance» en entreprise. Votre conseil sur ce point?
Les tensions en entreprise n’ont jamais été aussi vives. Beaucoup de collaborateurs sont épuisés ou démotivés parce qu’ils se sentent dépassés et mal encadrés. Dans 90% des cas, on peut désamorcer une situation délicate en reconnaissant les difficultés à traverser, la valeur de l’employé et en trouvant des solutions win-win pour tous.

TB
Tiphaine Bühler