Ceux qui ont des enfants le savent bien: ils doivent négocier quotidiennement avec acharnement. Une glace avant midi? Non. Se coucher une heure plus tard? Non. Passer chez un copain? Très bien. «Et voilà, ils ont réussi. Les enfants sont inébranlables, ils essaient encore et encore», explique Frédéric Mathier. Cet expert en négociation est lui-même père de deux filles.

Il s'occupe d'elles tous les jours et s'étonne de voir comment ces deux petites professionnelles obtiennent des succès grâce à leur ténacité. «Mais si l’on compare avec le monde du travail, on constate qu'il y a des dizaines de cadres et de managers qui n'ont aucune idée de la négociation, même s'ils la maîtrisaient manifestement quand ils étaient enfants.»

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Au fil du temps, il a découvert des modèles de négociation dans sa vie privée et lors de ses entretiens en tant qu'expert en négociation. Il les a récemment publiés dans son livre «Verhandeln ist (k)ein Kinderspiel». Il y expose clairement sept principes qui s'appliquent à tous et grâce auxquels on est assuré de mieux réussir ses négociations, que l'on soit enfant, employé ou directeur.

1. Avoir le bon état d'esprit

«Nous ne pouvons plus entendre le mot ‘mindset’, mais c'est justement dans la négociation qu’un bon ‘mindset’ est décisif, explique Frédéric Mathier. La plupart des gens perdent la négociation contre eux-mêmes, dans leur tête.» En d'autres termes, l'adversaire le plus fort dans une négociation, c’est nous-même. Il donne l'exemple d'une négociation salariale. Beaucoup abordent la négociation avec l'idée d'une augmentation de 1000 francs, puis commencent la discussion avec 700 francs. Celui qui entame la négociation avec cet état d'esprit n'obtiendra jamais la totalité de la hausse souhaitée.

2. Ne pas négliger la préparation

C'est une vieille rengaine, mais se préparer, c'est faire la moitié du chemin. «Le savoir ne signifie toutefois pas automatiquement le mettre en œuvre», explique le spécialiste. Aujourd'hui, en raison des rendez-vous en ligne, la préparation se perd de plus en plus. On se précipite de réunion en réunion. Cela pénalise les négociateurs, car celui qui ne consacre pas du temps à la préparation et se dit «ça ira» n'atteindra pas ses objectifs. «La personne qui se prépare correctement se retrouve en position de force. Il y a de fortes chances que l'autre partie ait investi moins de temps dans la préparation, ce qui renforce sa propre position dans la négociation.» Plus important encore: celui qui est préparé dispose d’objectifs clairs. Il s'agit de noter le chiffre que l'on souhaite atteindre. «Il faut se représenter l'objectif et en prendre conscience. Cela augmente la confiance en soi et évite de se contenter de moins.»

3. Communiquer clairement dès le début

Dans notre pays, les négociations sont généralement précédées d'une petite conversation, puis l'ordre du jour est discuté. «Personne n'aborde l'objectif ou les conditions générales dans lesquelles une solution doit être trouvée», critique l'expert à propos des comportements suisses. Il recommande d'aller droit au but et fait référence à sa fille: «Elle vient me voir et me demande de lui préparer le petit-déjeuner, sans small talk ni introduction.» En même temps, cela entraîne un effet d'ancrage: «On ne pose pas la question de savoir qui fait le petit-déjeuner, mais simplement que celui-ci soit fait.»

Transposé à l'économie, cela signifie: communiquer clairement ce qui doit être atteint. Un contrat annuel commun, un salaire adapté ou l'organisation des activités de marketing. L'attitude «on verra bien ce que l'autre dira», ne convient pas. Il faut savoir ce que l'on veut et l'exiger. «Au football, on ne laisse pas non plus l'équipe adverse marquer un but pour regarder ensuite comment cela se passe.»

4. Ne pas se sous-estimer

Selon Frédéric Mathier, les Suisses ont peur du non. En conséquence, soit ils ne prennent pas de risques, soit ils se vendent à perte: «Cela arrive surtout aux jeunes ou aux indépendants. Lorsqu’une jeune société est sur le point d'obtenir un gros contrat, elle se voit plutôt dans une file d'attente que comme la start-up cool qui pourrait déchirer le contrat.» Il en va de même pour les étudiants, qui sont heureux qu'une entreprise les engage. «Cette peur du non, seuls les adultes la connaissent. Les enfants se moquent d'un non. S'ils ne reçoivent pas une glace, ils en redemandent une autre, une heure plus tard. Cette persévérance se perd avec l'âge.»

5. Revenir à la charge

Il est également possible de jouer. Au lieu d'accepter un non, les exigences peuvent être modifiées. Ou alors, il faut revenir à la charge le lendemain. «Prenons l'exemple d'une salariée. Elle a déjà demandé deux fois une augmentation de salaire et n'a rien obtenu. Elle met désormais son poing dans sa poche, n'est pas satisfaite et ne fournira plus la totalité de ses prestations. Mais si elle démissionnait, cela coûterait beaucoup plus cher à l'entreprise de chercher quelqu'un d'autre.» Si l'employée demande encore un entretien et défend bien sa cause, l'entreprise pourra aussi y trouver son intérêt. «Ces employés sont considérés comme compétents et capables de négocier. Ils pourront également imposer leurs compétences aux parties prenantes. Finalement, l’entreprise se rend compte qu’elle profite des collaborateurs qui savent négocier.»

6. Faire une conclusion écrite

Les Suisses font confiance aux accords oraux. Mais «un courrier écrit est toujours préférable». Après une négociation, il convient de rédiger un message avec les points les plus importants. C'est justement en raison du rythme rapide des échanges en ligne que les documents écrits ont gagné en importance: «C'est pourquoi, il faut mettre noir sur blanc ce qui a été obtenu et le communiquer à tous», explique l’expert.

7. Réfléchir a posteriori

Cette phase est souvent sous-estimée: la réflexion a posteri. «Les footballeurs, les joueurs de tennis ou même les marathoniens, tous regardent la compétition après coup et analysent ce qui s'est bien passé et ce qui s'est mal passé.» Il en va de même pour les négociateurs. A-t-on atteint son objectif? Si oui, pourquoi? Si non, à quoi était-ce dû? «C'est la seule façon de devenir meilleur en négociation.»

Peu importe le niveau de négociation d’une personne. Que l'on soit débutant ou professionnel, le credo final de Frédéric Mathier est le suivant: «Celui qui ne négocie pas a déjà perdu.»

Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.

Tina Fischer
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