Combien de fois se dit-on après coup: «J'ai oublié de le mentionner!» Alors que cela aurait été, suppose-t-on, l'élément central qui aurait tout changé. Convaincre son interlocuteur de soi-même, d'une idée ou d'un modèle commercial en peu de temps, est un art subtile. On parle de pitch: la présentation d'une idée en moins d'une minute, dans le but d'en tirer un effet maximal.

Patricia Heemskerk est conseillère à l’Université de Saint-Gall et anime régulièrement des ateliers sur ce sujet. Selon elle, que ce soit pour réseauter, pour une candidature ou pour motiver une équipe sur un nouveau projet, un pitch ne doit jamais être spontané.  

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La structure de la préparation du pitch

Chaque pitch doit être préparé selon la même structure, composée de six parties. Tout d'abord, le groupe cible doit être clarifié: «On ne fait pas le même pitch devant un employeur potentiel que devant un administrateur très occupé», estime Patricia Heemskerk. Selon le groupe cible, la perspective change et la formulation doit être adaptée. Deuxièmement, chaque pitch doit être spécifique au produit. On relève ce que le produit, le service ou l'idée a de spécial et ce que cela nous apporte par rapport aux autres. Troisièmement, il s'agit de montrer l'application, ce que l’idée apporte au client et en quoi elle est plus innovante, avant d'indiquer, quatrièmement, quelle solution on fournit.

«Le cinquième élément est l'attention, explique la conseillère. Un pitch doit déclencher quelque chose. Les gens doivent avoir le sentiment de vouloir en savoir plus.» Pour y parvenir, on inspecte par exemple le site web d'un client potentiel et on essaie de déterminer à quel problème il est confronté. Ou alors, on informe son supérieur qu'on a trouvé une solution au problème de la semaine précédente. Sur cette base, on passe à la sixième et dernière étape: le «call-to-action». Le pitch est terminé, il faut maintenant passer à l'action. Il peut s'agir d'un investissement dans le modèle d'entreprise, d'une invitation à un autre entretien ou d'une demande d'offre.

Ces six éléments constituent la base de tout pitch. On peut combiner ces points et les réduire au nombre de quatre. Dans l'introduction, on montre qui on est et ce qu'on fait. Ensuite, on souligne l'expérience nécessaire en rapport avec le sujet. Viennent ensuite les valeurs, c'est-à-dire la valeur ajoutée que l'on apporte soi-même ou la solution, avant de présenter l'offre et de déclencher l'appel à l'action.

Mais attention, un pitch est plein de pièges. L'un d'entre eux concerne la créativité. Les pitchs doivent démarrer de manière créative, mais selon Patricia Heemskerk, dans ce domaine, le mieux est l’ennemi du bien. Il ne faut pas vouloir atteindre la perfection à tout prix: «Ce ne sont que soixante secondes! L'objectif n'est pas de vendre de la créativité ou de présenter une solution toute prête, mais d'attirer l'attention», précise-t-elle.

La perfection étouffe les idées dans l'œuf 

Fondateur et ancien CEO du groupe argovien Competec, Roland Brack a vécu le pitch au quotidien. En tant que membre du jury de l’émission allemande «Die Höhle der Löwen», il sait ce qu'il faut faire pour convaincre les gens. Son principal conseil: «Les bons concepts et les bonnes idées devraient tenir sur une seule diapositive.»

C'est notamment un défi dans les grandes entreprises, où l’on a tendance à vouloir recueillir tous les inputs des départements. «Une bonne idée devient alors un gigantesque fourre-tout, et elle meurt». Son conseil: «Maintenir l'ambition à un niveau bas. Les Suisses ont tendance à vouloir atteindre la perfection, mais cela peut se révéler dangereux.» Il vaut mieux obtenir 80% des chances avec 20% des efforts.

Cela implique aussi que les entreprises devraient tout simplement laisser faire leurs collaborateurs. Le problème est que plus une entreprise est grande, plus elle a peur de l'échec. «C'est ainsi que l'innovation s'arrête», dit-il. 

C'est précisément pour cela qu'il faut des «fauteurs de troubles». Autrefois, il s'agissait des bouffons, aujourd'hui ce sont les râleurs. «Ils sont pénibles, ils agacent, mais ils remettent en question le statu quo. Ils dépassent peut-être en partie leurs compétences, mais en contrepartie, ils mettent aussi en œuvre des projets. On a besoin de ces gens-là.» Dans l'idéal, ces perturbateurs sont aussi des hommes et des femmes d'action, et pas seulement des personnes qui se contentent de remettre les choses en question. 

Pour que les nouvelles idées aient une chance, il faut, selon Roland Brack, un optimisme sain et positif. Celui qui a, en plus, le sens du réalisme et ne présente pas des chiffres utopiques a des chances de réussir. C'est ainsi que l'on apparaît honnête et crédible. La motivation seule ne suffit pas, il faut également garder les pieds sur terre.

Cet article est une adaptation d'une publication parue dans Handelszeitung.

Tina Fischer
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