On s’imagine parfois que le marketing d’influence est hors de portée pour les PME, d’autant plus sur un marché restreint comme la Suisse romande. Toutefois, il n’est nullement nécessaire de collaborer avec des stars internationales. On trouve dans notre coin de pays plusieurs nano-influenceurs (jusqu’à 10 000 abonnés), micro (environ 50 000) ou locaux (500 000) proposant des tarifs raisonnables, soit entre 50 et 3000 francs par publication.
Et ces petits influenceurs peuvent rapporter plus gros. Selon une étude menée par Maximilian Beichert du département de marketing de l’Université Bocconi (Italie), bien qu’ayant moins d’abonnés, les nano-influenceurs génèrent des taux d’engagement nettement plus élevés que leurs homologues macro, ce qui se traduit par un meilleur retour sur investissement (ROI). Les chercheurs expliquent ce résultat par la théorie du capital social, qui suggère que plus le nombre de followers d’un influenceur augmente, plus l’engagement entre celui-ci et ses followers diminue.
«Collaborer avec des influenceurs locaux offre plusieurs avantages, confirme Raphaël Troussier, directeur de programme à CREA Genève et expert en marketing digital. Cela permet un ciblage plus précis qu’une campagne traditionnelle, limitant ainsi la déperdition. Toutefois, il est essentiel de choisir la personne adaptée et de veiller à ce que le contenu reste authentique, sans donner l’impression d’un téléachat.» En effet, aujourd’hui, il convient d’adopter une approche éthique en marketing d’influence, en privilégiant la transparence, ainsi que le respect des consommateurs et des réglementations. Par conséquent, il est important de définir un cadre de collaboration clair avec l’influenceur pour instaurer, dès le départ, une relation de confiance et éviter toute mauvaise surprise.
Relation sur le long terme
Cette approche se manifeste dans l’exemple suivant. Depuis deux ans, l’agence fribourgeoise Up to You collabore avec la marque française Andros. Le partenariat de celle-ci avec les sœurs Mujinga et Ditaji Kambundji a donné lieu à une campagne nationale de notoriété sur les réseaux sociaux, principalement sur Instagram (où les deux athlètes comptent plus de 200 000 followers), supportée par des campagnes payantes sur Facebook et une communication institutionnelle sur LinkedIn.
Les sœurs Kambundji, qui totalisent 200 000 followers sur ce réseau social.
L’opération a généré plus de 4,5 millions d’impressions, touché 1,2 million de personnes uniques et suscité plus de 9000 interactions. «Pour qu’une campagne d’influence soit efficace, il est essentiel de bâtir une relation sur le long terme», explique Ludovic Chenaux, directeur de l’agence. Des tournages réguliers favorisent par exemple un climat plus détendu, ce qui apporte une réelle valeur ajoutée au résultat final. L’agence fribourgeoise a établi une relation similaire entre Téléverbier et l’équipe de hockey de Fribourg-Gottéron.
Un impact quantifiable
Basé à Genève, l’influenceur Charles Legrand crée du contenu lifestyle depuis 2013. Il a collaboré avec Nespresso Suisse durant quatre ans, réalisant une vingtaine de campagnes sur Instagram (où il dénombre 361 000 abonnés, contre 2100 sur TikTok) et un voyage en Colombie. Entre 2020 et 2024, il a également collaboré avec Victorinox, effectuant une dizaine de campagnes. «A ce jour, j’ai réalisé plus d’une centaine de campagnes Instagram», dit-il. En ce qui concerne la portée de son contenu, ses stories sont vues en moyenne par 10 000 à 12 000 personnes et ses posts atteignent 40 000 à 60 000 personnes.
De son côté, Martin Boujol est l’un des principaux influenceurs littéraires francophones sur Instagram et le premier en Suisse. Sur son compte «La nuit sera mots», le Genevois totalise 280 000 abonnés (42 000 sur TikTok, 13 000 sur YouTube). Il gère une quarantaine de partenariats par année, incluant des collaborations rémunérées avec certaines entités locales comme la Comédie de Genève, le Théâtre de Carouge, le Théâtre du Grütli, le Salon du livre de Genève ou encore les Editions Zoé. «Il peut s’agir de vidéos sur certains spectacles, de conférences sur mon métier ou de communications sur des sorties de livres, en fonction des enjeux de la maison d’édition ou de mes coups de cœur», résume-t-il.
Il met aussi en avant de nombreux organismes gratuitement, «par plaisir et pour découvrir leur travail». Cela inclut des éditeurs suisses comme Les Syrtes ou La Baconnière, ainsi que des institutions culturelles telles que le Théâtre Saint-Gervais, le festival Visions du Réel ou le GIFF. «Il est difficile d’établir le retour sur investissement de ces opérations, car je n’ai pas de code promo qui atteste qu’un livre ou une place de théâtre ont été achetés suite à mes communications», dit-il. Cependant, il lui arrive de rencontrer des personnes qui lui confient avoir lu un livre ou assisté à une pièce de théâtre après avoir vu ses contenus. «Récemment, alors que j’étais à la Comédie, un jeune homme assis à mes côtés m’a confié, visiblement ému, qu’il s’y rendait pour la première fois après avoir regardé l’une de mes vidéos le matin même. Donc l’impact est là!»