Dans l’art de la guerre commerciale, Xi Jinping a montré jusqu’ici qu’il surpasse Donald Trump. Par exemple en utilisant l’arme des terres rares. C’est sûr, les Chinois ne céderont pas. Ils veulent dans le même temps renouer avec le reste du monde. Un signe fort passé inaperçu: depuis décembre dernier, les citoyens de 75 pays, dont la Suisse, peuvent entrer en Chine sans visa et pour une durée de trente jours. Impensable il y a peu.
Pour les entreprises helvétiques, soumises aux tarifs confiscatoires imposés par Trump, le marché chinois retrouve ainsi son attrait malgré le durcissement accru du régime de Pékin et une économie atone avec un taux de chômage des jeunes entre 14 et 60%, selon les estimations... et un taux de croissance officiel de 5,3% au premier semestre, tout de même. On sait aussi que la population diminue depuis 2022 et que la bombe à retardement de la politique de l’enfant unique reste difficile à désamorcer.
C’est l’une des raisons de l’offensive lancée par Xi Jinping qui défie le rival américain sur son propre terrain: la suprématie technologique et l’IA destinée à booster la productivité et à accroître la surveillance de la population. L’économie chinoise va-t-elle dépasser celle des Etats-Unis en 2035, comme le Grand Timonier 2.0 l’a souvent répété? Rien n’est joué. Mais la capacité du gouvernement à se projeter vers l’avenir est sidérante. Bénéficiant de subventions massives, les secteurs industriels stratégiques sont conditionnés au rêve du président Xi Jinping qui veut ramener la Chine «au premier rang mondial», une place qu’elle occupait jusqu’au XIXe siècle. En 1820, l’Empire du Milieu pesait 32% du PIB mondial, rappellent les historiens. Cette visée civilisationnelle représente-t-elle une menace pour la paix mondiale? Les tensions commerciales et la condamnation par Pékin des sanctions contre la Russie plombent en tout cas les relations sino-européennes. Durablement?
C’est dans ce contexte que la Suisse négocie une modernisation de l’accord de libre-échange signé en 2013 avec Pékin. De nouvelles rencontres ont eu lieu à Genève en juillet. Suspense. Plus compliquée à aborder, mais devenue l’un des creusets mondiaux de l’innovation et de la recherche scientifique, la Chine ne doit pas être sous-estimée. L’heure n’est pas à la complaisance, voire à la «sinolâtrie», mais à une appréhension réaliste d’une révolution restée longtemps sous les radars.
Le 75e anniversaire
En 1950, la Confédération a été l’un des premiers pays européens à reconnaître la République populaire et à établir des relations diplomatiques avec Pékin. Le conseiller fédéral Ignazio Cassis s’est du reste rendu en Chine en avril dans le cadre de ce 75e anniversaire.
La première joint-venture
En 1980, le groupe Schindler, fabricant d’ascenseurs, a été la première multinationale industrielle à signer un accord de partenariat avec une entreprise chinoise. Un symbole fort de la coopération économique entre les deux pays.
Un accord de libre-échange historique
Entré en vigueur en 2014, l’accord de libre-échange entre les deux pays, le premier à l’exception de celui signé entre l’Islande et l’Empire du Milieu, a entraîné un quasi-doublement des exportations de la Suisse vers la Chine en dix ans. Un anniversaire célébré par Guy Parmelin lors d’un voyage à Pékin l’été passé.
La modernisation de l’accord
Réduire encore les droits de douane, faciliter les investissements des entreprises suisses en Chine et intégrer des clauses relatives aux droits humains et à l’environnement: ce sont les trois objectifs des négociateurs suisses visant à moderniser l’accord signé en 2013. Des discussions ont eu lieu à Genève, début juillet.
Les obstacles à surmonter
Les négociations sont sous la haute surveillance de la gauche qui n’exclut pas le lancement de référendums si les droits humains et de l’environnement ne devaient pas être suffisamment pris en compte. Le nouveau train de sanctions de l’Union européenne contre Moscou et, indirectement, contre deux banques chinoises accusées de financer l’effort de guerre russe pose un autre dilemme. Si la Suisse s’aligne, le gouvernement chinois pourrait en prendre ombrage. Avec quels impacts sur les discussions commerciales? La question reste ouverte.