La veille stratégique, un outil en pleine expansion

Face à une sécurité économique de plus en plus incertaine, des entreprises organisent leur propre collecte d’informations. Pour les débutantes, des outils de base accessibles comme Google Alertes permettent déjà de surveiller les contenus en ligne sans investissement majeur.

«La veille peut être mise à la portée de toutes les entreprises», assure Stéphanie Haesen, responsable du Certificate of Advanced Studies (CAS) en Competitive Intelligence à la Haute Ecole de gestion de Genève. Les cas d’usage sont multiples. «Les PME industrielles, par exemple, peuvent s’en servir pour scruter les innovations de leurs concurrents notamment grâce à la veille technologique et à la surveillance des brevets.»

Une pratique qui se formalise

Bien que devenue plus accessible du fait de la numérisation, la pratique de la veille stratégique reste encore majoritairement adoptée par les grands groupes dans sa forme la plus sophistiquée. «Dans les petites structures, cette veille est souvent mise en place de façon relativement informelle. Elle peut notamment figurer dans le cahier des charges d’un employé du service de marketing ou encore du service recherche et développement.»

La veille stratégique a toujours fait implicitement partie des réflexes des dirigeants. On la pratique en suivant les innovations ou les évolutions réglementaires. Mais, aujourd’hui, la complexification des circuits économiques, toujours plus réglementés et internationalisés, pousse certaines entreprises à structurer la pratique. «Le monde change constamment, les entreprises ont besoin d’informations, mais aussi d’analyses rapides et ciblées pour alerter les bonnes personnes au bon moment», résume Stéphanie Haesen.

Pour élaborer des systèmes de veille plus structurée et faire face au flot d’informations et de données à trier et à analyser, les entreprises qui disposent de ressources matérielles et humaines abondantes possèdent un avantage décisif. Rappelons que les licences des outils de veille les plus performants, capables de passer au crible les réseaux sociaux, peuvent coûter plusieurs centaines de milliers de francs par an.

Parfois, les sociétés externalisent même cette activité. Mélanie Mantopoulos est responsable de la veille stratégique chez Geneva Intelligence. Le cabinet guide plusieurs dizaines de clients en Suisse et à l’étranger dans la mise en place de dispositifs adaptés. Pour cette spécialiste, la veille n’est pas un phénomène nouveau mais tend à se formaliser et à se structurer. Certaines entreprises montrent en effet un intérêt croissant pour cette activité afin de renforcer leur résilience sur des circuits économiques de plus en plus complexes, réglementés et internationalisés. Entre les plateformes de brevets, les bases de données sectorielles et les médias spécialisés, les sources à scruter et à analyser sont nombreuses, d’où l’intérêt de la planifier et de la paramétrer en amont avec l’aide de professionnels.

Pour les deux expertes, une veille bien menée renforce la vigilance des équipes et permet de détecter rapidement des menaces, voire des usages malintentionnés des produits ou de l’image de l’entreprise: un produit concurrent en développement, des projets de R&D similaires ou encore l’arrivée d’un cadre ou d’un ingénieur hautement qualifié dans une entreprise rivale... «Avec un outil bien paramétré, il devient possible de repérer les signaux faibles et d’anticiper les menaces les plus évidentes. Les entreprises anticipent les évolutions qui pourraient leur poser problème», explique Mélanie Mantopoulos.

Quant à savoir si une veille stratégique structurée est aussi accessible aux PME, la spécialiste décrit une certaine flexibilité de la part des prestataires de ce service. «Nous savons adapter notre offre à tous les budgets.»