Karin Keller-Sutter, 56 ans
Conseillère fédérale, cheffe du Département fédéral de justice et police, Berne

Quand elle veut gagner, elle gagne: en deux ans au Conseil fédéral, la ministre de la Justice Karin Keller-Sutter a jusqu’ici fait passer ses projets et tordu le cou aux initiatives fâcheuses. En dépit de la résistance des chasseurs et des tireurs, elle a durci la loi sur les armes, permettant ainsi la poursuite de la participation de la Suisse à l’espace Schengen. Elle s’est opposée avec succès à l’initiative de limitation de l’UDC qui voulait la fin de la libre circulation des personnes et mettait en danger les accords bilatéraux.

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Et sans son contre-projet ficelé d’une manière assez peu conventionnelle dans un processus politique déjà engagé, le camp du non à l’initiative pour des multinationales responsables aurait eu de la peine à l’emporter. Cette initiative a probablement été rejetée aussi en raison d’«obligations contraignantes qui n’auraient pas manqué de venir», estime Karin Keller-Sutter. Elle décrit son contre-projet, imposé aux associations économiques et malgré l’opposition des auteurs de l’initiative, comme une «voie moyenne», un «compromis».

Avec cette victoire contre l’initiative pour des multinationales responsables, Karin Keller-Sutter renforce sa réputation d’habile stratège possédant un flair pour l’air ambiant dans le pays et la certitude qu’en cas de questions délicates il faut renforcer les alliances pour réunir des majorités. C’est donc aussi son mérite si les partenaires sociaux, trop longtemps en conflit, se parlent de nouveau: une condition nécessaire sinon suffisante en vue de la votation sur l’accord-cadre avec l’Europe. C’est pourquoi elle réclame des améliorations en matière de protection des salaires, de subventions publiques et, surtout, de directive sur la citoyenneté. Selon elle, en l’absence d’améliorations, il ne sera pas possible de remporter le vote populaire. Et son avis a du poids au Conseil fédéral.

Cela dit, l’accord-cadre n’est pas du ressort du département de Karin Keller-Sutter, même si la libre circulation des personnes en dépend. D’autres votations compliquées figurent à son agenda 2021: la très débattue identité électronique (e-ID) et l’initiative pour l’interdiction de la burqa.


Livia Leu, 59 ans
Secrétaire d’Etat au Département fédéral des affaires étrangères, Berne

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Les prédécesseurs de Livia Leu ont tous échoué sur le dossier de l’Union européenne.
© keystone-sda.ch

Ses prédécesseurs ont tous échoué sur ce maudit dossier de l’Union européenne. Et Livia Leu est maintenant censée accomplir ce que les autres n’ont pas réussi: revenir de Bruxelles avec un accord-cadre qui récolte une majorité non seulement au Conseil fédéral et au parlement, mais ensuite également en votation populaire. On s’attend à des améliorations concrètes en matière de protection des salaires, de subventions publiques et de directive sur la citoyenneté.

La diplomate, qui a grandi dans une famille d’hôteliers d’Arosa (GR), ne se laisse pas démonter par les difficultés: «J’aime les défis, assure-t-elle. Avec de la bonne volonté et un peu de créativité de part et d’autre dans les négociations, des solutions sont possibles.» Reste à voir quelle est la bonne volonté du côté de l’UE. Les initiés constatent à Bruxelles une lassitude croissante à l’endroit de la Suisse. La patience a déjà été mise à rude épreuve. Cela fait déjà deux ans que le prédécesseur de Livia Leu, Roberto Balzaretti, est rentré à Berne avec un accord-cadre négocié dans le détail et deux ans que Bruxelles attend une réponse de Berne.

Livia Leu ne connaît pas le quartier général de l’UE mais, en tant que déléguée du Conseil fédéral aux traités commerciaux au sein du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), elle avait des échanges réguliers avec des Etats membres importants comme la France et l’Allemagne. Et à son dernier poste d’ambassadrice à Paris, que Roberto Balzaretti a maintenant repris, elle avait une vue sur la politique européenne.

Livia Leu a déjà montré par le passé son habileté de négociatrice, notamment durant les quatre années, de 2009 à 2013, où elle fut ambassadrice en Iran et y représentait aussi les intérêts des Etats-Unis. Ce furent des temps compliqués, car le régime iranien avait arrêté trois Américains pour soupçon d’espionnage. Au bout de deux ans, elle est parvenue avec son équipe à les faire libérer et a reçu les remerciements personnels de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton.

Livia Leu n’est pas que responsable de la question européenne en tant que négociatrice en chef, elle est aussi la nouvelle secrétaire d’Etat du Département des affaires étrangères chargée de l’ensemble de la politique étrangère depuis que le ministre Ignazio Cassis a annulé la bipartition Europe contre reste du monde qu’il avait lui-même introduite.


Guy Parmelin, 61 ans
Chef du Département de l’économie, de la formation et de la recherche, président de la Confédération 2021, Berne

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C’est une année présidentielle difficile qui attend Guy Parmelin.
© keystone-sda.ch

Si on ne le fait pas aujourd’hui, alors quand? C’est ce que s’est dit le ministre de l’Economie Guy Parmelin en lançant la candidature de la Suisse au poste de secrétaire général de l’OCDE. Il voit à ce poste l’ancien président de la Banque nationale, aujourd’hui manager chez BlackRock, Philipp Hildebrand. La Suisse n’est pas dans la catégorie des favoris. Une victoire serait une petite sensation et la fin d’une longue traversée du désert. Depuis 1993, la Suisse n’est plus à la tête d’une importante organisation internationale, à la suite du départ d’Arthur Dunkel de son poste de directeur du GATT, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce.

Pour le reste, c’est une année présidentielle difficile qui attend le ministre de l’Economie, marquée par les effets de la pandémie, où les mesures prises pour la combattre n’ont pas toujours bien marché, comme l’admet Guy Parmelin: «Nous allons en tirer des leçons et serons mieux préparés à une prochaine crise.» Sur son agenda 2021 figurent aussi des discussions délicates avec l’UE, le partenaire commercial de loin le plus important de la Suisse, et plusieurs campagnes de votations où le conseiller fédéral devra s’opposer à son propre parti, l’UDC.

Comme le dossier de l’UE dans le combat pour l’accord de libre-échange avec l’Indonésie, des milieux paysans de Suisse romande ayant lancé le référendum (vote le 7 mars 2021). Au centre de leur critique figure l’importation facilitée de la très controversée huile de palme. Pour Guy Parmelin, ce vote constitue une chance de «dédiaboliser» le libre-échange. C’est la première fois que, dans un accord de libre-échange, les licences d’importation sont liées à certains critères de durabilité.

La campagne de votation suivante portera sur deux initiatives, l’une «Pour une eau potable propre», l’autre «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse», qui auraient de bonnes chances dans les urnes. Le camp des partisans est hétéroclite et comprend des paysans, des associations de consommateurs, des scientifiques et des citoyens de tous les partis. Pour toutes ces batailles politiques, c’est un atout que Guy Parmelin ne soit pas un libéral dogmatique mais un homme de la terre qui a compris que les finances publiques et les directives étatiques peuvent être d’un grand secours.


Alain Berset, 48 ans
Conseiller fédéral, chef du Département fédéral de l’intérieur, Berne

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Pour Alain Berset, la bataille sur la réforme du 2e pilier commence vraiment.
© Roland Schmid / 13 Photo

Dans la bataille contre le Covid-19, le ministre de la Santé, Alain Berset, et l’ensemble du Conseil fédéral ont durement affecté l’économie au printemps 2020. Avec la deuxième vague, sur ses conseils, la Suisse a choisi une voie laissant plus de place à la responsabilité. Il y a certes des mesures drastiques en matière de loisirs, de sports et de culture, mais les restaurants, magasins, écoles ne sont pas fermés sur tout le territoire.

Et même si la pandémie domine aujourd’hui partout, Alain Berset a encore d’autres tâches urgentes à entreprendre comme ministre de l’Intérieur. En premier lieu, la réforme de la prévoyance vieillesse. Voilà plus d’un an que son dernier projet de révision de l’AVS est sur la table du parlement et il a déjà fourni un projet de réforme du 2e pilier en reprenant un compromis concocté par les partenaires sociaux. «Il n’y avait rien de mieux», concède-t-il. Que ce soit pour le contenu, parce qu’aucun autre modèle ne garantit le niveau des rentes, et au niveau politique, parce que la proposition des partenaires sociaux est soutenue par plusieurs groupes d’intérêts. C’est donc maintenant que la bataille pour la réforme commence vraiment pour le ministre de l’Intérieur, en poste depuis 2012.


Mark Branson, 52 ans
Directeur de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma), Berne

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Mark Branson estime que les banques ont bien maîtrisé la crise sanitaire.
© DR

Pour une fois, le «shérif» de la place financière suisse a trouvé des mots élogieux: les banques suisses ont bien maîtrisé la crise sanitaire, a-t-il admis dans une interview. Il y a certes eu des goulets d’étranglement pour les liquidités, mais les banques les ont bien surmontés. Cela dit, les régulateurs se sont donné beaucoup de mal pour que le système ne s’effondre pas: 26 milliards ont pu être procurés aux banques en assouplissant les prescriptions en matière de capitaux. La réserve de fonds propres anticycliques destinée à garantir les crédits hypothécaires a ainsi été suspendue.

Le Britannique, qui possède le passeport suisse depuis 2017, passe pour un homme d’action. Il n’hésite pas à taper sévèrement sur les doigts des établissements financiers, comme ce fut le cas pour la banque Julius Baer, où il a discerné des lacunes dans la lutte contre le blanchiment d’argent. Il ordonna un arrêt des acquisitions qui auraient pu accroître la complexité au sein de la banque: une intervention notable dans la liberté d’agir. Professionnellement, Mark Branson jouit d’une grande considération. Il a longtemps travaillé dans la branche, notamment dans des fonctions dirigeantes chez UBS.


Thomas Jordan, 57 ans
Président de la Banque nationale suisse (BNS), Zurich

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La mission première de Thomas Jordan: la lutte contre la hausse du franc suisse.
© Bloomberg

D’une taille de 1 m 90, calme, posé, le défenseur en chef du franc incarne même physiquement la gravité de son rôle. Fils de juge, élevé à Bienne, cet économiste est aux antipodes de son prédécesseur, Philipp Hildebrand, forcé à la démission en 2012 pour des transactions douteuses sur les devises réalisées par son épouse.

La sobriété et le bon sens de Thomas Jordan ainsi que son excellente qualification pour ce métier – son directeur de thèse était Ernst Baltensperger, penseur de la politique monétaire helvétique – ont contribué à ce que, sous sa houlette, la Banque nationale demeure pratiquement intouchable en dépit d’incessantes tentatives d’intrusion du politique et des convoitises que les bénéfices de la BNS suscitent année après année.

Sa mission première est et reste la lutte contre la pression à la hausse du franc suisse, qui persiste malgré six années de taux négatifs et s’est encore accentuée durant la crise sanitaire. Au fil de cette lutte, il a encore fait enfler fortement le bilan de la banque: les placements de devises étrangères se montaient à 800 milliards de francs à la fin du confinement du printemps.


Pierre-Yves Maillard, 52 ans
Président de l’Union syndicale suisse et conseiller national, Berne

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Depuis que Pierre-Yves Maillard a repris la présidence de l’USS, le partenariat social fonctionne de nouveau bien.
© Sébastien Agnetti / 13 Photo

Depuis que l’ex-conseiller d’Etat vaudois devenu conseiller national a repris la présidence de l’Union syndicale suisse (USS), le partenariat social fonctionne de nouveau bien au plus haut niveau. Avec son homologue Valentin Vogt, président de l’Union patronale suisse, il a concocté des prestations transitoires pour chômeurs âgés, combattu avec succès l’initiative de limitation de l’UDC et proposé un plan pour l’assainissement du 2e pilier.

A vrai dire, ce dernier est critiqué de toutes parts, mais il forme une base de discussion pour la réforme urgemment nécessaire des caisses de pension. Le débat parlementaire devrait être rude. En tant que membre de l’importante Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS), Pierre-Yves Maillard l’encadrera étroitement. Celui qui était naguère surnommé «PYM Il-sung» en Suisse romande s’est aussi imposé sur l’accord-cadre avec l’UE. Désormais, à peu près tout le monde a compris que, sans améliorations dans la protection des salaires, l’accord n’aurait aucune chance en votation populaire.


Ueli Maurer, 70  ans
Conseiller fédéral, chef du Département des finances, Berne

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Ueli Maurer a su réagir avec rapidité au début de la pandémie.
© keystone-sda.ch

Une période extraordinaire implique des mesures extraordinaires. C’est pourquoi le ministre des Finances, Ueli Maurer, en collaboration avec une bonne centaine de banques et quatre sociétés de cautionnement, a distribué en un temps record 17 milliards de francs à quelque 137 000 entreprises et les a ainsi protégées d’une crise de liquidités durant le confinement du printemps. «Nous sommes sûrement le seul pays du monde qui a réussi en très peu de temps non seulement à approuver de gros crédits mais aussi à les transmettre directement aux entreprises.»

Pour le reste, Ueli Maurer entretient un réseau international avec beaucoup de ministres des Finances, notamment par le biais du Finance Track du puissant G20 auquel la Suisse participe depuis cinq ans – certes uniquement comme invitée, mais active et appréciée pour sa collaboration constructive. On doit aussi à Ueli Maurer que la Suisse ait pu prendre part au sommet du G20 et collaborer avec tous ses groupes spécialisés. Pour rendre encore plus visibles les atouts de la place financière helvétique, il vient de lancer la plateforme Finance. swiss.


Daniela Stoffel, 52 ans
Secrétaire d’Etat aux questions financières internationales, Berne

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Daniela Stoffel est convaincue que la place financière suisse doit progresser dans les fintechs et les questions de durabilité.
© Daniel Rihs / 13 Photo

Si la place financière suisse entend continuer de jouer les premiers rôles, elle doit progresser sur deux points: en matière de fintechs et de durabilité. La patronne du Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales (SFI) en est convaincue. Car Daniela Stoffel discerne une opportunité unique dans une combinaison entre l’avant et l’après, soit dans l’interaction entre les vertus traditionnelles de la place financière que sont la stabilité et la sécurité et un rôle précurseur dans les fintechs et la finance durable, ces deux activités constituant les nouveaux piliers essentiels de la stratégie financière fédérale récemment mise à jour.

Mais Daniela Stoffel a un autre dossier crucial sous le coude: la réforme de la fiscalité des entreprises de l’OCDE. L’ambitieux calendrier de l’OCDE s’est un peu enlisé ces derniers temps, ce qui convient à la secrétaire d’Etat, car cet exercice de redistribution à grande échelle du substrat fiscal pourrait voir la Suisse parmi les perdants. Mais elle sait aussi que le statu quo n’est plus tenable à moyen terme et que, pour la Suisse, une solution globale est finalement meilleure qu’un patchwork de solutions nationales.


Valentin Vogt, 60 ans
Président de l’Union patronale suisse, Zurich

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Valentin Vogt a obtenu, avec Pierre-Yves Maillard, des prestations transitoires pour chômeurs âgés. 
© Thomas Meier

Voilà dix ans que Valentin Vogt, l’ex-CEO puis président de Burckhardt Compression, dirige l’Union patronale suisse. Ces deux dernières années, il a dicté la cadence dans pas mal de dossiers de politique économique en compagnie du nouveau patron de l’USS, Pierre-Yves Maillard. Ils ont obtenu de haute lutte les prestations transitoires pour chômeurs âgés, un problème que Valentin Vogt connaît bien puisqu’il soutient et conseille en personne des chômeurs âgés dans leur quête d’emploi. Il est aussi le président de l’association Check Your Chance, qui se bat contre le chômage des jeunes.

C’est également en accord avec les partenaires sociaux que, durant cette crise sanitaire, Valentin Vogt a fait pression sur le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) afin qu’il reconnaisse l’urgence d’une intervention de l’Etat et simplifie les conditions du chômage technique. Valentin Vogt et Pierre-Yves Maillard ont aussi présenté ensemble un projet de réforme du 2e pilier. En plus de tous ses engagements bénévoles, le dirigeant de l’Union patronale garde un pied dans l’économie, plus précisément dans l’industrie: il est notamment membre du conseil d’administration de Bucher Industries et d’EGS Beteiligungen et il préside le groupe Kistler.


Watchlist

Sabine D’Amelio-Favez, 45 ans
Directrice de l’Administration fédérale des finances

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Sabine D'Amelio-Favez
© Keystone

Ces prochaines années, en raison de la crise sanitaire, la juriste vaudoise parfaitement bilingue devra s’atteler à réduire la montagne d’endettement résultant de la pandémie.

Philipp Hildebrand, 57 ans
Candidat au Secrétariat général de l’OCDE

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Philip Hilderbrand
© keystone-sda.ch

L’ancien président de la BNS, manager chez BlackRock, est candidat au nom de la Suisse au poste de numéro un de l’OCDE, un des emplois les plus en vue dans la politique globale. Il n’est pas le favori, mais il a ses chances.

Christoph Mäder, 61 ans
Président d’Economiesuisse

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Christoph Mäder
© Keystone

L’ancien patron de Syngenta, actuel vice-président de Lonza, a repris en octobre le sceptre de l’association faîtière de l’économie. Il doit désormais réformer Economiesuisse afin que la voix de l’économie soit à nouveau mieux écoutée.

Fabio Regazzi, 58 ans
Président de l’Union suisse des arts et métiers (USAM)

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Fabio Regazzi
© keystone-sda.ch

Le conseiller national PDC et entrepreneur tessinois a été élu fin octobre à la tête de l’USAM. Il entend restaurer la collaboration souvent houleuse avec les autres organisations économiques.

B
Bilanz