Pendant des décennies, la loi de Moore a dicté le tempo de l’industrie des semi-conducteurs: le nombre de transistors sur une puce doublait tous les 18 à 24 mois. Mais, depuis une quinzaine d’années, cette cadence s’essouffle. En cause: des effets quantiques difficiles à maîtriser, une envolée des coûts de production, mais surtout une contrainte thermique de plus en plus critique, qui freine le développement des puces. Aujourd’hui, le refroidissement des centres de données dans le monde consomme autant d’électricité que les agglomérations de New York et de Londres réunies.
Dans le même temps, cette chaleur est générée sur des surfaces toujours plus réduites. A titre d’exemple, la production annuelle de Nvidia, leader mondial des puces dédiées à l’intelligence artificielle, tiendra bientôt sur environ 5000 m2, soit à peine moins qu’un terrain de football. «Le refroidissement traditionnel par air atteint ses limites», constate Remco van Erp, cofondateur et CEO de Corintis, une jeune pousse lausannoise issue de l’EPFL. L’alternative s’appelle le refroidissement par liquide.
Des fabricants de puces comme Nvidia, Intel, AMD, mais aussi les opérateurs cloud Amazon, Google ou Microsoft, misent de plus en plus sur les «cold plates», des plaques de cuivre traversées par des microcapillaires qui acheminent un liquide de refroidissement au plus près des zones chaudes du processeur. Depuis janvier, Corintis expédie ces plaques sur mesure par palettes entières aux Etats-Unis, où se trouvent la plupart de ses gros clients. Ce qui distingue la technologie lausannoise? Une caractéristique unique qui fait toute la différence avec des cold plates précisément adaptées à chaque architecture de puce, grâce à un logiciel propriétaire capable de modéliser la dissipation thermique d’un circuit intégré avant même sa fabrication, en prédisant la quantité de chaleur qui sera générée aux points chauds.
Mais l’ambition ne s’arrête pas là. «Notre objectif est d’intégrer directement les microcapillaires avec le liquide de refroidissement dans la puce elle-même», poursuit Remco van Erp. Une avancée qualifiée de «game changer» par les experts du secteur. On estime que le refroidissement intégré pourrait consommer jusqu’à 50 fois moins d’énergie qu’un système de climatisation traditionnelle par air. Un projet pilote a été mené avec succès avec un grand acteur américain du cloud. «Ensemble, nous avons réussi à prouver la faisabilité du refroidissement intégré.»
Comment te prépares-tu à une réunion importante?
Nous commençons toujours par nous demander: «Que voulons-nous atteindre avec cette réunion?»
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Oui, grâce à un calendrier, car nous fêtons chaque anniversaire avec un gâteau au bureau. Comme nous avons plus de 50 employés, nous faisons bientôt la fête toutes les semaines.
Quelle est la dernière application utile que tu as installée?
Duolingo, maintenant je peux commander un kebab en turc!
Que fais-tu pour ta santé?
D’après la réponse ci-dessus, probablement pas assez.
Beaucoup de choses se sont passées depuis que Remco van Erp a commencé son doctorat au Laboratoire de recherche en électronique de puissance et à large bande interdite de l’EPFL en 2018. Deux ans plus tard, il a rencontré Sam Harrison, alors chef de produit chez Astrocast (Top100 Start-up 2018/2019), autour d’une bière après le travail et, en février 2022, ils se sont lancés avec le capital de départ de Venture Kick. Ils emploient désormais plus de 50 personnes.
Le chemin vers l’industrialisation est encore long. Mais les perspectives sont considérables. Si Corintis parvient à imposer son concept de refroidissement, le spin-off de l’EPFL deviendra un fournisseur clé de l’industrie mondiale des semi-conducteurs, un secteur qui a réalisé un chiffre d’affaires de près de 700 milliards de dollars en 2024 et qui connaît une croissance à deux chiffres.
Confiants, les investisseurs misent sur l’innovation suisse. Fin 2024, Corintis a levé 20 millions de francs auprès d’un consortium international. Ce tour de financement s’est accompagné d’un changement stratégique: Lip-Bu Tan, nouveau CEO d’Intel depuis mars, a rejoint le conseil d’administration du spin-off. «Avec notre technologie, la question du dégagement de chaleur cesse d’être un frein à l’innovation», conclut Remco van Erp.
Corintis, Lausanne | Engineering | Fondation: 2022 | Collaborateurs: 50
>> Pour en savoir plus: www.top100startups.swiss/award2025
>> Le pdf complet du magazine est disponible sur www.top100startups.swiss/magazines
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